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jeudi 30 avril 2009

Razak Boukari ou la problématique de la sélection des joueurs de la diaspora.

Le Togo possède à l’étranger, de jeunes footballeurs, binationaux, au talent indéniable. Ils jouent dans des championnats professionnels dont le niveau technique et tactique très relevés et l'excellente condition physique des joueurs n'ont pas d'égal dans le championnat de Première Division (D1) du Togo, notre compétition d’élite. Aujourd’hui, si le Togo veut exister et briller sur la scène continentale et mondiale, il doit nécessairement capter ses footballeurs binationaux de l’étranger.

Les meilleurs footballeurs togolais évoluent tous aujourd’hui en dehors du territoire national. C’est un constat. Le Togo a joué la Coupe du Monde, Allemagne 2006. Une page historique. A deux exceptions près, les joueurs qui ont écrit cette page glorieuse étaient des professionnels et jouaient dans des clubs étrangers, la majorité en Europe. Il y avait parmi eux, des nationaux partis monayés leur talent comme Emmanuel Adebayor, Olufadé Adekanmi, Kossi Agassa, Nibombé Daré, Junior Senaya, et ceux venant de la diaspora comme Alaixys Romao, Ludovic Assemoassa, Touré Assimiou. Ces trois derniers, binationaux, n’ont pas oublié d’où ils viennent. Ils sont fiers d’appartenir à cette terre togolaise d’Afrique.

Nos footballeurs binationaux vivent diversement leur convocation en sélection. Ceux dont l’attachement à la mère patrie reste fort sont fiers de recevoir une telle convocation. Ils sont heureux de porter les couleurs de la «Terre de nos Aïeux». Et de mettre ainsi du baume au cœur de leurs compatriotes qui dans leur majorité, vivent des moments difficiles au pays. Ils ne marchandent pas leur talent mais ils se battent, sans faiblir, pour que l'Etat mette à leur dispositions les meilleures conditions possibles pour défendre avec une haine de la défaite mais avec dignité les couleurs nationales. Ils ont une très haute idée de leur mission.

Mais ceux que n'habite pas ce sentiment fort d'appartenance à la nation togolaise hésitent. Souvent, ils refusent de représenter leur pays d'origine, attirés par les couleurs et les richesses qui vont avec de leur pays d'adoption. Certains de ceux-ci finissent par accepter l’invitation. Uniquement lorsqu’il y a une phase finale d'une compétition majeure à jouer. Lorsque la table est mise. Ou lorsqu'ils ont perdu toute chance de jouer pour la sélection nationale de leur riche pays d'adoption. Ils choisissent le Togo pour ne pas tout perdre. C'est des garçons sans aucun repère et qui ne se sentent pas redevables à la mère patrie.

Abdoul Razak Boukari est né le 25 avril 1987 à Lomé au Togo. Il est milieu de terrain, titulaire à Lens, un club français de Ligue 2. Son père, Sadou Boukari, un ancien talent d’Ifodjè d’Atakpamé et de la sélection togolaise des années 1980, est Togolais. Sa grand-mère maternelle, Da Yovo, était une passionnée de football. Elle avait applaudi lorsqu’elle avait su que sa fille et Boukari Sadou, le jeune surdoué, s’aimaient. Elle avait applaudi encore plus fort, quand Abdoul Razak, le fruit de cette passion, a vu le jour sur la terre de nos aïeux. Le bébé, un jeune garçon vigoureux, devrait suivre les traces de Sadou. C'était son rêve. 

Da Yovo, patronne en son temps de la restauration de l’Équipe nationale du Togo, a servi fidèlement et loyalement le football togolais jusqu’à sa mort. C’est vrai que Sadou, le père de Razak, ainsi que deux autres joueurs de l’équipe du Togo avaient vu, au terme d’un match officiel dans les années 80, leur passeport confisqué par le Général Gnofame aveuglé par sa passion pour son pays. Ce que le Général Gnofame a fait est inadmissable car le sport ne doit en aucun cas coûter la vie ou l'emploi de ceux qui viennent défendre les couleurs de la patrie. Seule l’Histoire peut juger les actes posés par le Général Zoumaro Gnofame.

Le drame qu'a vécu son père a servi de prétexte à Razak pour différer indéfiniment sa décision en faveur du Togo. Attendant sans doute jusqu'à l'ultime instant de retrouver une forme flamboyante et de postuler ainsi pour la France. Il est à parier que juste avant ses 21 ans révolus, la question sera tranchée. S'il n'est pas en mesure d'être sélectionnable par la France, il optera pour le Togo. Mais ce serait donc par défaut et non par amour de la patrie. Ce ne serait, sans doute, jamais par conviction. Ce pourrait être, en tout cas, par manque de courage. Je pense qu'il manquera toujours à Abdoul Razak, s'il devenait Épervier, cette rage de vaincre qui en impose. Cette rage-là ne vient que du fond des tripes, des tripes forgés par l'amour de la patrie. Mais j'espère me tromper.

Amegan ADDABLAH